Il m'arrivait rarement de prendre le temps de me promener, ma vie de corsaire au service du Roi ne me le permettant pas. En effet, étant très souvent sur la mer à voguer ou alors auprès du Ministre des Affaires Maritimes pour faire rapport de mes missions sur l'océan ou sur mer, il va de soi que me promener dans des Jardins, n'était pas pour moi. Je n'avais à vrai dire pas vraiment non plus de place à la Cour, pas que je sois pauvre, ma vie de Corsaire m'amenant de quoi vivre normalement sans être riche, mais je n'étais malgré tout pas assez riche pour avoir ma place à la Cour et donc auprès du Roi. J'avais déjà croisé Sa Majesté mais nullement au point que celle-ci m'aperçoive vraiment. Cela dit, à Saint-Cyr, j'avais heureusement appris à faire la révérence, cela me servirait bien un jour, qui sait ?

En ce jour et étant à terre, j'eus cependant le loisir ou la lubie (appelez cela comme vous voulez) d'aller me promener. Je n'étais à vrai dire pas de bonne humeur, je venais de me disputer avec Luc-Henri et bien que mon mari et sachant qu'il m'aimait, cela m'avait énervé. Je ressentais le besoin d'espace, j'aurais aimé être sur mer et pas sur terre présentement mais hélas, pas de mission pour moi en ce moment. Je décidais donc de me contenter du Parc du Luxembourg, ouvert à tout le monde et donc en libre accès.

Tout en me promenant au gré de mes pas, sans but précis, je vis à un moment donné un petit garçon qui devait avoir dans les 10 ans environ, jouer près d'une fontaine, je décidais de me poser sur un banc et de le regarder jouer un moment. Pas grand monde dans le parc, je repérais vite une jeune femme très bien habillée, ayant probablement plus de moyens que moi pour vivre et peut-être ayant aussi sa place à la Cour, cette Dame semblait être la mère du petit garçon qui jouait. Cela se confirma d'ailleurs un instant plus tard par une phrase qu'elle dit au garçon et ce dernier répondit "Oui Mère !" Distraction sommaire pour moi que cela, moi habituée au grand air et à toutes sortes de missions mais j'aimais bien les enfants et en avoir un de Luc-Henri était mon plus cher désir même si cela devrait certainement remettre en question ma vie sur la mer le temps de la grossesse ou du moins durant une partie de celle-ci. Tranquillement et à l'écart, je regardais donc ce garçon jouer, imaginant que c'était le mien.

Au Jardin du Luxembourg

Je ne sais pas ce qui me prenait en ce jour, d'être venue là comme les grands de ce monde, me promener en de tels lieux. Mon domaine à moi, c'était la mer. Et là seulement, je savais pouvoir me ressourcer complètement en respirant l'air marin. Et pourtant, aussi bizarre que cela puisse paraître, ça me faisait du bien d'être ici présentement, en ce Jardin du Luxembourg. Pas grand monde à cette heure-ci, à part quelques personnes qui passaient et bien mieux habillées que ce que je pouvais l'être. Pas que je sois mal habillée pas du tout, mais disons que comme tout marin, je porte des habits de marin et donc pas des choses luxueuses et de bijoux point, à part une chaîne en or avec un médaillon en or également représentant mon portrait autour du cou. C'est tout ! D'un prime abord, il faut avouer que je n'ai pas les moyens de me payer des bijoux, ensuite, ce n'est pas mon genre d'en porter et de plus, je n'ai aucune envie de les perdre un jour en naviguant.

J'étais donc là, assise sur mon banc, perdu plus ou moins dans mes pensées, songeant à ma dispute récente avec Luc-Henri tout en regardant ce petit bonhomme jouer avec une fontaine à quelques pas de moi. J'entendis sa mère lui dire quelque chose mais je ne compris pas ce qu'elle lui disait, j'étais trop loin d'elle.

Subitement, je ne sais pourquoi je me levai et me dirigeai vers le petit garçon en train de jouer. J'étais près de lui déjà quand je me rendis compte que la mère allait certainement se poser des questions sur ce que je projetais et qu'elle allait très certainement être sur le qui-vive, voire pire carrément sur des charbons ardents et se mettre à appeler la maréchaussée si elle trouvait mon comportement bizarre. Que faire ? M'en aller ? Rester ? Je ne savais plus trop mais c'est alors que je m'entendis dire au petit garçon et en lui souriant

- Tu sais que j'aimerais avoir un jour un garçon comme toi, qui pourrait ensuite devenir marin comme moi ?

Le garçon se retourna alors vers moi et me regardant avec un regard émerveillé me dit :

- Wouaahhhhhhh ! Vous êtes marin ? Moi aussi, je voudrais bien aller un jour sur la mer ! Mais maman voudra pas, je le sais !

Et là, je vis le bout de chou baisser la tête d'un air tout triste. Et en me tournant, je pus également voir que la mère était en effet sur le qui-vive et même qu'elle semblait visiblement prête à se lever et à nous rejoindre.